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Page:Sacher-Masoch - Les Batteuses d’hommes, 1906.djvu/11

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croyez être des amants, donner la preuve de votre amour à une femme parce que, pendant des semaines, des mois, des années même vous la recherchez plus qu’une autre, vous l’adulez, vous la suppliez en de sentimentales et ferventes lettres où l’on voudrait que les mots épandent des sortilèges, des griseries de parfums et de musiques, soient à l’unisson du désir qui vous aiguillonne sans trêve, de la passion qui vous ronge jusqu’aux moelles comme cette tunique de trahison trempée dans le sang des monstres où se débattait le divin Héraklès, parce que votre bouche se rive à sa bouche, parce que vous l’emportez en de torpides extases, parce que vous lui obéissez, vous acceptez une sorte de servage, vous abdiquez toute volonté, vous vous agenouillez sous le joug qu’elle vous tend de ses doigts prometteurs, vous payez parfois en souffrances, en nostalgiques regrets, en larmes, ce que la trop Aimée vous accorda de béatitudes et d’ivresses ! Mais qu’est ce jeu de corruption où le cœur n’apparaît qu’avili, que souillé, qu’étouffé en de bestiales pratiques, où pour atteindre le but l’on prend la même route que le commun des hommes, que ceux qui sont seulement des forces, qui n’ont aucune étincelle dans le cerveau, que si peu de chose différencie de l’animal, dressé au labeur, où l’on aboutit à l’anéantissement