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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Là on rencontre les petits employés qui gagnent leur pain quotidien en faisant, la plume à la main, leur corvée à l’État, les étudiants, les bourgeois ayant une maisonnette ou un métier, les artistes pauvres aux longs cheveux, les cuisinières bien nourries, sensibles et flanquées de sous-officiers qui pleureraient si volontiers sur leurs grandes moustaches, quand Louise s’empoisonne ou que le vieux Gœtz de Berlichingen rend son âme vaillante ; les jolies ouvrières dont les jeunes cœurs sont si pleins de dévouement, de gaieté et de poésie ; les mères aux enfants bien portants, aux joues rouges, qui se mettent à crier lorsque les sorcières dans Macbeth apparaissent, par le tonnerre et les éclairs, ou que Max Piccolomini tire son épée ; les vieilles dames à cheveux gris que l’on croirait découpées dans un almanach et qui ont l’air si fines, si pleines de bon sens, avec leurs grosses lunettes en corne, leur sac à ouvrage en soie. Et tout ce monde babille, rit sous cape, est occupé de manière ou d’autre.

D’un côté, des jolies filles mordent à belles dents dans de grosses oranges dont le suc les inonde ; ailleurs, d’autres mangent des pommes, en ayant bien soin de garder les pépins pour leurs canaris ; plus loin des vieilles femmes lisent, quand c’est possible, ou tricotent. Les jeunes gens parlent