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NOUS AVIONS MIS SUR PIED SEIZE BANNIERES

raisonnablement s’ils ne sont pas amoureux ; s’ils le sont, ils se serrent la main en cachette, ou bien le frôlement de leurs pieds en dit plus que des milliers de paroles.

On parle des acteurs avec bienveillance ; on parle aussi des pièces et toujours avec un vif intérêt ; dans le diapason général, pas d’envie ; rien que de la bonne humeur, de l’élan.

Enfin le lustre descend lentement du plafond, étincelant comme un soleil. En un clin d’œil, tout s’éclaire dans la salle, tous les chuchotements cessent à l’olympe. Chacun se remet comme il faut sur son banc.

Les musiciens apparaissent l’un après l’autre ; on entend les violons crier, les flûtes soupirer plaintivement, et la voix du violoncelle broche sur le tout comme un engorgement d’ours en colère.

Toutes les places sont occupées rapidement. La galerie est maintenant tout yeux. Toutes les lorgnettes sont braquées sur les loges. Des officiers, dont les sabres résonnent ; des dandies à chapeaux luisants comme une glace, à cravate immaculée ou encore à fleur à la boutonnière, envahissent l’orchestre, regardent çà et là d’un air d’indifférence et bâillent à demi, sinon tout à fait.