Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
LA MÈRE DE DIEU.

« Lis à haute voix.

— Je ne le puis.

— Pourquoi donc ?

— Parce que, pardonne-moi ce péché, Mardona,… parce que je ne sais pas lire.

— Donne-le-moi alors, dit Mardona en prenant le document des mains de Lampad. Elle le tint ouvert devant elle ; mais Sabadil, qui l’observait, vit que son œil restait arrêté à une seule place. Il comprit qu’elle aussi ne savait pas lire.

« Laisse-moi lire, Mardona, dit-il en s’avançant vers la jeune femme. C’est un péché que de fatiguer ainsi tes beaux yeux.

— Tu sais donc lire ? exclama-t-elle en rougissant profondément.

— Je sais lire et écrire », répondit Sabadil.

Et il lut ce que portait le document d’une voix haute et sonore. C’était une donation de Lampad Kenulla à Mardona Ossipowitch. Il lui faisait cadeau de deux pièces de terre et d’un verger planté d’arbres fruitiers, bornant ses domaines. « Tout cela de sa propre volonté, pour se rendre agréable à Dieu », selon ce que portait le document.

Mardona examina Sabadil avec l’attention la plus minutieuse. Elle savait maintenant qu’elle pourrait tirer profit de cet homme, qu’elle aimait de toute l’ardeur de son âme.

Et pour elle ce n’était pas à dédaigner. Lorsqu’il eut replié le document, Mardona le lui retira des mains et le serra dans son corsage, lentement, avec une grande dignité.