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LA MÈRE DE DIEU.

« Et comment se comporte Sofia ? » demanda-t-elle d’une voix oppressée.

Son visage, cependant, était fort calme, et même souriant et aimable.

« Hélas ! c’est vrai, c’est bien vrai ! Ce doit être vrai, puisque tous les gens l’affirment ; elle me déteste, elle court dans la maison et bouleverse tout, comme une louve.

— On dit même que ta vie n’est pas en sûreté, Lampad.

— On ne se trompe pas.

— Alors porte plainte contre elle », continua Mardona en s’inclinant vers lui.

Elle parlait fort bas, mais d’une voix distincte, comme si elle eût voulu être bien comprise de Kenulla, mais de lui seulement.

« N’aie pas de crainte. Tu as pour toi le droit. Porte plainte contre elle, et laisse-moi me charger de la punir !

— Je n’en aurai jamais le courage, geignit Kenulla.

— Dans ce cas tu mérites les traitements que ta femme te fait subir, reprit Mardona, et je te conseille fort de te cacher pendant le jour, de peur que les petits enfants ne courent après toi en te montrant au doigt, et que les mendiants ne chantent des mélodies sur ton compte.

— Du reste, ajouta Kenulla, nous avons le temps. Un jugement précipité est rarement juste.

— C’est ton idée ? »

Mardona se leva et s’avança vers le miroir pour réparer le désordre de sa coiffure.