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LA MÈRE DE DIEU.

— Ma vocation est de prier et de faire pénitence, et non de courtiser de vieilles femmes.

— Quoi ! est-ce que je ne te plais pas, par hasard ? » s’écria Wewa Skowrow.

Et vraiment elle avait le droit de s’en étonner, car, après tout, elle était fort jolie femme. Son visage, au petit nez recourbé, aux beaux yeux noirs et pétillants, et à la petite bouche rose, était fort appétissant quoique un peu large. Quant à ses mains, elles étaient charmantes, petites et douces comme du velours, et elle avait les plus jolis pieds du monde.

« Avant tout, tu vas m’embrasser, et cela immédiatement ! continua Wewa. Puisque tu te piques de tant de piété, puisque tu te vantes de suivre à la lettre les préceptes de notre croyance, tu vas me donner le baiser de paix. »

La veuve résolue se haussa sur ses orteils et fit résonner bruyamment ses lèvres sur celles de Sukalou, qui exécuta une grimace comme si on l’eût forcé de boire du vinaigre.

« L’amour aussi est un commandement divin, et tu dois m’aimer si tu veux mériter le ciel. Dis-moi, grand nigaud, où tu trouveras une femme ou une jeune fille capable de supporter la vie austère que je mène ? Oh ! mais je ne la mènerai pas plus longtemps que ça, certes ! Tout cela va changer, et c’est toi, toi, mon doux pigeon, à qui j’ai donné mon cœur et à qui je prétends bien appartenir.

— Laisse-moi tranquille ! » dit Sukalou avec humeur.

Et il tira un sac de dessous son siège.