pas eu un membre dont le secours n’ait été porté fort haut. Le moindre
a été de vingt louis ; il y en a plusieurs de cinquante louis. Tous les corps
de bourgeois, avocats, marchands, et tous les étrangers possédant biens
dans le pays, se sont imposés à un louis par mille. Ainsi, monsieur, je
crois qu’il est de mon devoir de vous prier de faire part à madame de
Sade de ce désastre et de la crainte, où nous sommes encore tous les jours,
de voir brûler nos maisons et nos possessions. La marine[1] nous a mis
hier dans une perplexité des plus affreuses. Elle a obligé le premier consul,
M. de Barras, à mettre l’huile à dix livres, le blé à neuf livres, le pain à
deux sols, la viande à quatre sols, sous peine de le tuer et de mettre le
feu aux quatre coins de la ville. Ainsi, monsieur, il est juste que M. de
Sade entre pour quelque chose dans le soulagement pressant du peuple……
Voilà ce que M. de Sade désire de la Coste, monsieur l’avocat. Je vous envoie la note qu’il m’a donnée……
J’attends votre réponse tout de suite, car vous le connaissez pour être pressé et impatient……
J’ai augmenté ma dépense personnelle d’un domestique ; depuis la Jeunesse j’en prenais de louage, mais à présent, que je commence à être vieille et infirme, je ne peux plus sortir sans personne. Je risquerais ; j’ai perdu totalement l’usage de mes jambes ; l’on prétend que cela reviendra ; moi je n’en crois rien. J’engraisse faute d’exercice.
Je ne sais si les états généraux auront tenu leur séance aujourd’hui. M. de Mirabeau a voulu parler la dernière fois, mais le roi a levé la séance ; sans cela il aurait été hué, tous se disposaient à cela. M. de Mirabeau dit que M. Necker donne la foi et l’espérance, mais qu’il demande la charité. Un bas-breton n’a jamais voulu quitter son costume, donnant pour raison qu’il ne s’était jamais masqué. L’on a applaudi.
Ô ! Français, que vous êtes légers ! Vous montrez la corde et vous prouvez que vous avez besoin d’être menés. Que résultera-t-il de tout ceci ? Dieu le sait, mais aucun Français ne s’en doute……
La révolte ici est totalement apaisée, mais tout est garni de troupes.
L’on dit mille choses ; le vrai est impossible à démêler. Ce qu’il y a de fâcheux, c’est l’extrême misère du pauvre.
Il y a eu ici beaucoup de gens morts de faim faute des paiements et retard des petits paiements. [On] ne devrait jamais cesser de payer les rentes à Paris, ou, au moins, donner en acompte ce qui est nécessaire pour avoir du pain.
- ↑ Les mariniers du Rhône.