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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


patriotisme, je ne puis ajouter foi en cette ridicule histoire[1]. Mais voilà les propos que font tenir les voyages à la campagne. Au nom de Dieu, retournez dans votre ville et soyez-y tranquille. Alors, la calomnie sera contrainte à se taire sur votre compte. J’ai fait de même ici. Ils ont voulu parler ; je les ai fait taire en me montrant sans cesse et en ne bougeant pas. C’est le seul moyen de convaincre les incrédules. Tirez-moi d’inquiétude, je vous en conjure, sur le champ……


Le citoyen Sade, homme de lettres, envoie à Gaufridy la déclaration de revenus qu’il a faite et lui demande de faire certifier ses chiffres par les municipalités de la Coste, de Mazan, de Saumane et d’Arles.

Déclaration nouvelle, celle que j’ai envoyée dernièrement ne valant rien.

État de mon revenu dont je certifierai les preuves par les certificats des municipalités des lieux où mes campagnes sont situées.

J’ai en fonds de terre dans le département des
Bouches-du-Rhône pour 
         8.000 fr.
de rente.
Mon mobilier, estimé cinq mille francs, est au delà de sa
valeur, rente 
 200 fr.
attendu que je déduis 50 fr. pour l’impôt du cinquième
Total :
8.200 fr.


Sommes à ma décharge :

pour impôt à raison du cinquième sur 8.000 fr 
 1.600 fr.


somme que la loi m’accorde comme citoyen marié 
 1.500 fr.


pension à ma femme par acte passé chez Gibert, notaire 
 4.000 fr.


pension à la citoyenne Quénet, ma fille naturelle et adoptive[2] 
 1.000 fr.


Total :
8.100 fr.


Mon revenu étant de 8.200 francs, il ne me reste donc plus que 100 francs de quitte et net.

  1. Voici les indications que je trouve dans le livre de M. Jean Barruol : « La Contre-Révolution en Provence et dans le Comtat » ; elles éclaireront la suite de cette correspondance :
     Un certain nombre d’Aptésiens, parmi lesquels Gaufridy et Fage, se réfugièrent à Toulon après la répression du mouvement fédéraliste et l’entrée de Carteaux à Marseille ; mais, tandis qu’ils y acclamaient Louis XVII et arboraient la cocarde blanche, ils furent reconnus par deux soldats d’Apt, prisonniers, qui les dénoncèrent plusieurs mois après. Ils furent mis en prison et n’échappèrent à la mort qu’en produisant des certificats de résidence délivrés par des municipalités complaisantes. Fage fut, néanmoins, emprisonné une seconde fois avec sa famille. Gaufridy et son fils durent, de leur côté, errer longtemps dans la montagne du Luberon. C’est vraisemblablement dans cette situation qu’ils se trouvaient lorsque Goupilleau et le marquis obtinrent leur grâce au début de l’an III.
  2. En marge : « C’est elle qui tient ma maison et dont je vous ai parlé ». On sait que le marquis a été accusé de vivre avec sa propre fille. Voila, sans doute, l’explication de ce bruit. Il a fait passer Quesnet pour sa fille naturelle dans le dessein de frauder le fisc, et peut-être, après son internement à l’hospice de Charenton, pour faire avoir à sa compagne le libre accès de maison.