faire d’avances. Le seul espoir de la marquise est que sa mère se décide
à payer les dettes dont elle a demandé l’état, car ce paiement lui permettra
peut-être d’attraper mille écus « avec quelques créanciers sûrs ». C’est
une escroquerie, mais elle lui semble naturelle puisqu’elle la ferait pour
lui. D’ailleurs la présidente a de grands biens en Bourgogne et cent
mille livres de rente. Mais la dame de Montreuil n’a ouvert son sac que
pour en tirer des lunettes : elle épluche les comptes que lui font sa fille
et son gendre, accuse leur dissipation et leur mauvaise foi, prétend avoir
avancé trente mille livres pour eux et laisse entendre que la famille
pourrait bien prendre d’autres moyens de sauver la marquise et ses
enfants de la ruine et du déshonneur. Madame de Sade comprend à
demi-mot : ce qu’on veut surtout, c’est lui ôter l’administration des biens
de son mari et il n’y faut pas donner prétexte. Elle réussit enfin à tirer
cent louis du commandeur en lui remettant sa vaisselle en gage. Treize
ans plus tard, nous la retrouverons dans sa dépouille et c’est à l’ordre
de Malte qu’il faudra la disputer.
Madame de Sade songe alors à partir pour Rome, mais son mari n’a pas quitté Florence. C’est, selon lui, à Rome que l’air est mauvais dans cette saison (deux Anglais y sont morts subitement), tandis qu’à Florence il ne devient mortel pour les étrangers qu’à la fin de l’automne. Toutefois le marquis est ainsi fait qu’il se dément lorsqu’il ne ment pas : il se résout au même instant à partir pour Rome et y signale son arrivée par une explosion de fureur. Ce sont les contes que l’on fait à la marquise touchant l’envoi de son argent qui l’ont mis hors de lui. Il menace de revenir. Il saura, s’il le faut, mettre les braves cavaliers provençaux à la raison avec six bohémiens qu’il a pris à son service et se flatte de jouer le bon Dieu lui-même s’il lui en prend la fantaisie. Il n’est que de bien crier ! Le quatre novembre une lettre de change de seize cents livres, qui font trois cents écus romains quatre-vingt-huit bayoques de dix jules l’un, est tirée à son ordre sur le signor Guiseppe Cioga, banquier romain.
Madame de Sade ne cesse de solliciter pour « la grande affaire » ; elle se rend d’abord à Aix avec la Jeunesse à qui elle a fait faire, pour la circonstance, un habit couleur fleur de pêcher, une redingote de ratine grise et une culotte noire, puis y retourne avec Gaufridy pour y faire choix de son avocat et d’un procureur. Mais ces voyages ne donnent pas les résultats qu’elle en attendait. L’abbé de Sade, qui n’a pas déplacé un pied pour le service de son neveu, ne se tient pas de joie en appre-