Page:Sade - Adresse d’un citoyen de Paris au roi des Français, 1791.djvu/10

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autrefois. Aux regards de cet Etre suprême tous les hommes sont égaux. L’homme voit-il la reine des fourmis ? Dieu peut-il voir le roi des hommes ? Votre grandeur est donc notre seul ouvrage ; rendez-vous-en digne, vous la conserverez toujours ; eh ! n’est-il donc pas mille fois plus flatteur, pour l’orgueil, d’être le Chef d’une Nation par l’amour de cette même Nation que d’en être le tyran parce qu’ainsi l’a voulu le sort. Votre naissance donnoit aux François un Roi dont ils ne veulent plus ; votre conduite peut encore, dans votre même personne, leur rendre un chef qui sera l’ouvrage de leur amour.

Quelle différence, Sire ! que votre délicatesse la sente ; préférez donc cette manière de régner à celle qui n’étoit due qu’au hasard ; préférez les sentimens précieux de cette Nation, qui vous appréciant devra vous aimer, aux conseils bas et politiques des courtisans corrompus qui vous entourent, des prêtres fanatiques qui vous ſéduisent.

Malgré vos fautes, Sire, vous pouvez en les réparant, prétendre encore à vous voir assis au Temple de Mémoire, près des Titus et des Vespasiens. En agissant comme vous le faisiez, votre nom n’eût inspiré, comme celui des Caligule & des Heliogabale, que l’horreur et l’indignation.

Je vous le dis avec douleur, Sire, tous les visages, le jour de votre honteuse évasion, n’étoient empreints que de ces sentimens ; j’eus cent fois mieux aimé pour vous y lire de la colere, mais on n’y voyoit, hélas ! que du mépris. On arracha vos armes, on effaça votre nom, peu s’en fallut qu’on ne brisât les statues de vos ancêtres. Henri, du fond de son tom-