Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 1, 1795.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépravation, qu’il doit devenir comme impossible à celui qui le nourrit en soi de concevoir même l’idée de la vertu ; dès lors, ou sa vie lui paraît fastidieuse, ou il faut qu’il en empoisonne chaque minute par ce venin qui le gangrêne ; arrivé là, il ne se contente plus de faire simplement le mal, il veut même ne jamais faire le bien, et son cœur abreuvé d’une perversité d’habitude, éprouve aux impressions de la vertu, la même sorte de douleur, que ressent l’ame du juste à la seule idée du forfait ; et quel est le premier vice qui nous entraîne à tous ceux-là ?… Le libertinage… n’en doutons point il est inoui ce qu’il éteint, ce qu’il détériore, ce qu’il envenime ; inexprimable à quel degré il relâche les ressorts de l’ame… Blase la conscience en la contraignant à métamorphoser en plaisirs les retours fâcheux de ses erreurs ; et voilà sans doute ce que cette passion a de plus dangereux, qu’aucune de celles qui dévorent l’homme, puisque le souvenir des actions où les