Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/493

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félicité qu’elle avait droit d’attendre ? Ce n’est donc que sur elle que mes larmes doivent couler, ce n’est donc qu’elle que je dois plaindre ; mon malheur est mérité dès qu’il put attirer le sien… Ô Léonore, Léonore ! tes revers sont mon seul ouvrage, et les étincelles de plaisir, que mon amour fit naître en toi, ressemblaient à ces lueurs mensongères, qui, trompant le voyageur égaré, l’engloûtissent à jamais dans l’abyme !… Et toi, mon bienfaiteur, continué-je en larmes, pourquoi t’ai-je quitté ? pourquoi n’ai-je pas retrouvé Léonore dans ton isle, et pourquoi ce séjour enchanteur n’est-il pas devenu notre patrie à tous les deux ?… Tribunal odieux, nation subjuguée par l’imposture et la superstition, quels droits avez-vous sur moi ! qui vous donne ceux de me retenir et de me rendre le plus malheureux des hommes !

Huit jours se passèrent encore ainsi, lorsqu’on vint me chercher pour une troisième audience ; mais on ne m’avait pas fait solliciter celle-là : les scélérats commençaient à