Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/101

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adresse l’homme, souffrant ou malheureux, ne sont-elles donc pas légitimes ? Le premier mouvement de la nature n’est-il pas de se plaindre quand on est lézé ? N’est-il pas de s’en prendre à l’auteur de ses maux. En en répandant une si grande quantité sur la terre, dieu ne savait-il pas qu’il s’exposait aux reproches des hommes ? En a-t-il pour cela suspendu ses fléaux ? S’il les a laissés cheoir, sachant bien que les hommes s’en vengeraient par leurs plaintes, il s’est donc moqué de ces invectives, s’il les a méritées, s’il les brave les ayant méritées, comment se peut-il qu’il s’en fâche ? Quand le fort offense le faible, il sait bien que celui-ci se dédommagera par des injures ; peut-il avoir craint des paroles qu’il savait bien que sa conduite allait lui attirer ? Si dieu avait pu être sensible à nos reproches, maître de tout, n’eût-il pas créé l’univers de façon à ne mériter que des éloges ? quand il ne l’a pas fait, quand il n’a pas cru devoir le faire, quand il était bien sûr que de ne le pas faire, devait lui valoir des blasphêmes,