Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/381

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voilà donc, même en la commettant, idéalement aussi pure à ses yeux, que si tu ne l’avais pas commise ; ce n’est pas la faute en elle-même qui peut t’affliger, puisqu’il n’en reste aucune trace ; sa douleur ne viendra que de la savoir ; s’il ne la sait jamais, plus de douleur… Il y a mieux, c’est qu’il serait infiniment plus malheureux, la croyant, quoiqu’elle ne fût pas, qu’il ne peut l’être, l’ignorant quoiqu’elle soit : ce n’est donc pas toi qui tient son bonheur en tes mains. Ce bonheur sera ou ne sera point en raison de l’opinion qu’il aura reçue ; travaille à ce que cette opinion soit bonne, quoique ta conduite soit mauvaise, enveloppes-toi des voiles du mystère, et deviens, si tu veux, sous leur ombre, mille fois pis que Messaline ou Théodora ; tu l’auras rendu plus heureux que si ta conduite était bonne, et que l’opinion fût contre toi[1],

  1. Théodora était femme de Justinien ; voyez ses désordres dans Procope ; une partie