Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec moins de force. Je m’endormis,… à peine le fus-je, qu’un fantôme effroyable apparut aussi-tôt à mes sens enchaînés… Je le vois encore… J’écris que je rêvais,… mais je n’oserais pas l’affirmer,… l’impression fut trop vive ;… non, mon ami, je ne rêvais pas… Je l’ai vu ce fantôme,… il était vêtu de noir,… il avait une figure que je peindrais sans doute,… il avait celle du père d’Aline… il tenait à la main,… pardonne mon désordre,… il tenait par les cheveux la tête de cette fille chérie,… il la secouait sur mon sein ;… il mêlait les flots de sang qui en découlaient à ceux qui jaillissaient de mes blessures r’ouvertes ;… et il me disait en m’offrant cet épouvantable spectacle ;… oui, mon ami, il me le disait ;… ses paroles ont frappé mon oreille, je ne dormais point ;… il me disait le cruel :… « Voilà celle que tu veux épouser ;… frémis, tu ne la reverras plus ». J’ai jetté mes bras vers ce fantôme, j’ai voulu lui ravir cette tête précieuse et la porter sanglante sur mes lèvres, mais je n’ai pu saisir qu’une