Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/244

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ombre : tout a disparu dans l’instant, il n’est plus resté de réel que la terreur et le désespoir. Je me suis levé dans une mortelle agitation ;… j’ai poursuivi ma route au hasard. Différentes ombres gigantesques produites par les reflets de la lune sur les arbres qui m’environnaient, semblaient prêter encore plus de réalité à la vision lugubre que je venais d’avoir. En ce moment cruel, j’aurais donné ma vie pour entendre encore une seule parole de mon Aline, pour fixer un instant ses regards ; à-la-fois ému par mille pensées différentes ;… en proie tour-à-tour à mille tourmens divers ; tantôt je voulais revoler sur mes pas, tantôt je voulais terminer mes jours, pour ne pas survivre au moins à celle que mon imagination venait de me faire voir expirée… Enfin le soleil se leva, et mieux conduit par le hasard, que par l’incertitude de mes pas chancelans, je rentrai dans la ville, dont je repartis au bout de quelques heures pour joindre mon domestique à Auxerre, et gagner comme