Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/377

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chaleur dans les flots condensés de l’air.

Mais supposons que tout eût ri pour nous, admettons un instant que nos jours eussent coulés dans un jardin de délices, où les roses fussent nées sous nos pas ; où le cèdre toujours parfumé, ne nous eût offert son ombrage qu’aux bords des ruisseaux de lait, et qu’auprès des fruits du palmier… Sommes-nous immortels, mon ami, et n’eût-il pas fallu quitter, comme Eve, ce séjour si doux du bonheur ? Eh ! t’imagines-tu que cette séparation n’eût pas été plus cruelle alors qu’elle ne nous le paraît aujourd’hui, où nos pas n’ont pressé que des ronces ? Nos liens se seraient multipliés, et l’accroissement de notre amour en nous les faisant trouver à chaque instant plus chers, n’eût-il pas rendu plus affreuse la nécessité de les rompre ? remercions l’éternel de nous avoir présenté le calice avant qu’il ne fût plus amer ; il t’aurait fallu pleurer à la fois, une épouse chérie, une amie complaisante et douce, la mère de ces tendres fruits que ton amour eût