Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

On sait que Venise n’a soutenu la splendeur que lui assigne le rang distingué qu’elle tient dans l’histoire que par la sévérité et le mystérieux de son gouvernement : tant il est vrai que le secret est l’âme de la politique, et que, de tous les gouvernements, celui qui est le plus près de sa chute est toujours celui qui se dévoile. Quoique la République Vénitienne fût, dans le XIe siècle, presque encore au berceau, elle n’en était pas moins déjà pénétrée de la vérité de ce principe, et, dès lors, elle avait acquis dans l’Europe la réputation d’être la ville de l’univers la plus adroite pour la découverte d’un complot. C’est la crainte, justement fondée, de la rigueur de ce gouvernement qui, de tout temps, éloigna les étrangers des membres d’un sénat si redoutable. De manière qu’en arrivant à Venise, on devait choisir, ou de la société de ses compatriotes ou de celle des nobles et des personnages attachés au gouvernement ; et la préférence une fois établie pour l’une de ces deux classes d’individus, il n’était plus possible de se mêler à l’autre.

En descendant à son hôtel, Adélaïde fut prévenue de cet usage, mais, ne voulant voir aucun Allemand et se trouvant liée par la nature de ses affaires avec un armateur vénitien, ce fut parmi ceux de cette nation qu’elle choisit sa