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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


qui vient d’agiter cette ville, et que c’est elle que la République a punie de la manière affreuse dont vos yeux vous ont, hier, convaincu. À l’égard de cette femme-ci, c’est bien celle de la place Saint-Marc, mais qui n’est autre que la courtisane de Naples, ainsi que vous l’avez entendu dire vous-même à ceux que nous avons interrogés sur son compte.

— Mais cette prétendue Napolitaine, dit Frédéric, a été enlevée sous nos yeux, et tu sais qu’on nous a dit que celle enlevée sous nos yeux était la princesse de Saxe allant au supplice !

— Deux femmes peuvent avoir été enlevées dans le même instant, dit le comte ; mais assurément la princesse l’a été plus secrètement que la courtisane, car ce n’est pas avec un tel éclat que la République procède à ses jugements.

— Soit, mais je veux éclaircir cet affreux mystère ; de plus sages y deviendraient fous, et je ne suis pas assez fort pour supporter tant de cruelles alternatives.

— Vous allez faire une imprudence, prince, répondit le comte, et qui peut-être vous coûtera bien cher. Vous le voulez, j’y consens ; mais c’est à condition que, si rien ne s’éclaircit ce soir, demain ne nous retrouvera plus dans Venise.

Frédéric promit, et fut au rendez-vous.