nature, en telle sorte que pour l’intérêt de mon
propre repos, j’aimais mieux ne plus ajouter foi à
rien et me blaser sur tout. D’où il résultait la
terrible et dangereuse situation de supposer plutôt
que l’on m’avait trompé en m’annonçant la vérité
la plus funeste, que de croire à cette vérité dès qu’il
m’était avantageux de la mettre au rang des mensonges
que l’on multipliait pour contraindre ou
faire naître des situations ; et, certes, on peut bien
dire qu’il n’était rien au monde de plus funeste et
pour mon cœur et pour mon caractère. On dirigeait
tout cela contre mon esprit : on avait tort, me
connaissant comme on devait me connaître ; on
faisait une bêtise, parce qu’on devait bien savoir
qu’il avait assez de force et de philosophie pour se
mettre au-dessus de ces absurdités. Mais le cœur
se gâtait, le caractère s’aigrissait, tous effets aussi
pernicieux que nuisibles à produire et qui ne prouvaient
que la plus lourde stupidité dans ces bourrelleries
bien dignes des lourds automates qui les
exécutaient ou les conseillaient. Quels effets funestes
ne produisirent pas encore sur moi le refus des bons
livres que je demandais et les entraves qu’on mit à
me laisser composer de bons ouvrages ! Mais de quoi
ne devaient pas être capables des gens qui formant
des chiffres et des signaux, avaient, en m’envoyant
à Bicêtre, sacrifié mon honneur et ma réputation ?
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CAHIERS PERSONNELS