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CAHIERS PERSONNELS

Ce système de signaux et de chiffres, employé par ces plats gredins tant à la Bastille que dans ma dernière détention, avait encore l’extrême danger de m’accoutumer à tenir aux fantômes favorables à mon espoir et aux hypothèses qui le nourrissaient. Cela avait imprimé à mon esprit ce caractère sophistique que l’on me reproche dans mes ouvrages.

Pour dernière réflexion enfin, comment est-il possible de porter l’inconséquence au point de dire que si j’ai fait Justine, c’est à la Bastille, et de me remettre dans une situation pire encore que celle où j’ai, dit-on, composé cet ouvrage ? Voilà qui démontre d’une manière invincible que tout ce qui m’a concerné n’a été que l’ouvrage du fanatisme des imbéciles dévots et de la grossière imbécillité de leurs séides… Oh ! comme Sophocle avait raison, quand il disait : « Presque toujours un époux trouve sa perte ou dans la femme qu’il prend ou dans la famille à laquelle il s’allie » !

À la suite de ces réflexions, j’ai cru devoir en joindre quelques-unes sur l’ouvrage de Justine, que je soumets aux stupides Ostrogoths qui m’ont fait mettre en prison pour cette cause.

Il ne fallait qu’un peu de bon sens (mais les incarcérateurs en ont-ils ?) pour se convaincre que je ne suis ni ne pouvais être l’auteur de ce livre.