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ISABELLE DE BAVIÈRE

« Vous êtes les oncles de l’enfant qui va monter sur le trône que je lui laisse, dit-il à ces princes réunis autour de son lit funèbre ; c’est à vous que je confie et le bonheur de la France et le sort de mon fils. Dites-lui sans cesse que ce double intérêt n’en fait qu’un, et que c’est dans la seule félicité de sa nation qu’il peut un jour trouver la sienne. Ce n’est pas pour eux seuls que le ciel met les rois au-dessus des hommes ; il ne les place à cette hauteur qu’afin qu’ils jugent mieux ce qui peut devenir utile à leur peuple ; le Dieu qui les élève ainsi veut qu’ils soient son image sur terre, et ce n’est qu’à ces condition, qu’il les rapprochera de lui-même un jour. Jamais le peuple ne se soulève contre le souverain qu’il voit occupé de le rendre heureux, et ce bonheur est si facile à faire ! Dites à Charles qu’il ne dépose point le glaive qui sert à sa défense, mais que sa main ne s’en serve jamais pour des conquêtes souvent fatales et toujours inutiles. Une victoire est un fléau quand le sang qu’elle coûte n’est pas répandu pour le bonheur du peuple : elle ne devient un triomphe qu’alors qu’elle y contribue. Voilà les seuls lauriers que je permette à mon fils : ornez son front de chêne, quand vous ne pourrez le ceindre de ceux-là. En laissant auprès de lui des princes aussi sages, je descends au tombeau plein d’espoir : faites que mon ombre ne vienne pas un jour vous reprocher d’avoir mal justifié ma confiance. Ils sont affreux les reproches de l’être qui n’existe plus, et quelque déchi-