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LA CHÂTELAINE DE LONGEVILLE
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mari sans s’étourdir, je crois que je suis maître de mes actions, quand vous-même me manquez aussi essentiellement. — Vous manquer, monsieur, et en quoi je vous prie ? — Ne sais-je pas votre intrigue avec Colas, avec un des plus vils paysans de mes terres ? — Moi, monsieur, répond arrogamment la châtelaine… moi m’avilir à ce point, vous êtes un visionnaire, il n’exista jamais un mot de ce que vous dites et je vous défie de m’en donner des preuves. — Il est vrai, madame, que cela serait difficile actuellement, car je viens de faire jeter à l’eau ce scélérat qui me déshonorait, et vous ne le reverrez de vos jours. — Monsieur, dit la châtelaine avec encore plus d’effronterie, si vous avez fait jeter ce malheureux à l’eau sur de tels soupçons, assurément vous êtes coupable d’une grande injustice, mais si, dites-vous, il n’est ainsi puni que parce qu’il venait dans le château, j’ai bien peur que vous ne vous soyez trompé, car il n’y mit les pieds de la vie. — En vérité, madame, vous me feriez croire que je suis fol. — Éclaircissons, monsieur, éclaircissons, rien n’est plus aisé, envoyez vous-même Jeannette que voilà chercher ce paysan dont vous êtes si faussement et si ridiculement jaloux, et nous verrons ce qui en sera. Le baron consent, Jean-

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