moins avant que de vous livrer à l’idée de faire
un éclat ; si vous révélez ceci à M. de … vous
aurez beau dire qu’on vous a entraînée, c’est une
espèce de faute qu’il ne vous pardonnera jamais,
et vous vous brouillerez pour toujours avec
l’homme du monde qu’il vous importe le plus de
ménager, puisque vous n’avez plus de moyen de
réparer l’honneur qu’il vous enlève qu’en l’engageant
à vous épouser. Or soyez sûre qu’il ne le
fera jamais si vous lui dites ce qui vient de se
passer. — Malheureuse, pourquoi donc m’as-tu
précipitée dans cet abîme, pourquoi m’as-tu
mise dans une telle situation qu’il faut que je
trompe mon amant, ou que je perde et mon
honneur et lui ? — Doucement, mademoiselle,
ne parlons plus de ce qui est fait, le temps
presse, ne nous occupons que de ce qu’il faut
faire. Si vous parlez, vous êtes perdue ; si vous
ne dites mot, ma maison vous sera toujours
ouverte, jamais vous ne serez trahie par qui que
ce soit, et vous vous maintenez avec votre amant ;
voyez si la petite satisfaction d’une vengeance
dont je me moquerai dans le fond, parce qu’ayant
votre secret, j’empêcherai toujours bien M. de …
de me nuire, voyez, dis-je, si le petit plaisir de
cette vengeance vous dédommagera de tous les
chagrins qu’elle entraîne… Sentant bien alors à
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ÉMILIE DE TOURVILLE
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