Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 140 )


de menaces & de mauvais propos cette pauvre petite malheureuſe tremblante ſous les coups dont elle ſe voit prête à être déchirée ; Rodin n’eſt plus à lui, il s’empare d’une poignée de verges priſes au milieu d’une cuve où elles acquiérent dans le vinaigre qui les mouille, plus de verdeur & de piquant… Allons, dit-il en ſe rapprochant de ſa victime, préparez-vous, il faut ſouffrir ; & le cruel laiſſant d’un bras vigoureux tomber ces faiſceaux à plomb ſur toutes les parties qui lui ſont offertes, en applique d’abord vingt-cinq coups qui changent bientôt en vermillon le tendre incarnat de cette peau ſi fraiche.

Julie jettait des cris… des cris perçans qui déchiraient mon ame ;… des pleurs coulent ſous ſon bandeau, & tombent en perles ſur ſes belles joues, Rodin n’en eſt que plus furieux… Il reporte ſes mains ſur les parties moleſtées, les touche, les comprime, ſemble les préparer à de nouveaux aſſauts ; ils ſuivent de près les premiers, Rodin recommence, il n’appuie pas un ſeul coup, qui ne ſoit précédé d’une invective, d’une menace ou d’un reproche… le ſang paraît… Rodin s’extaſie ; il ſe délecte à contempler ces preuves parlantes de ſa férocité. Il ne peut plus ſe contenir, l’état le plus indécent manifeſte ſa flamme ; il ne craint pas de mettre tout à l’air ; Julie ne peut le voir… un inſtant il s’offre à la brèche, il voudrait bien y monter en vainqueur, il ne l’oſe ;