Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 179 )


rendre compte au Supérieur. Quelques minutes après, on ouvre l’égliſe, Dom Sévérino s’avance lui-même à moi, vers la cabane du Jardinier, & m’invite à entrer avec lui dans le temple.

Dom Sévérino duquel il eſt bon de vous donner une idée ſur-le-champ, était un homme de cinquante-cinq ans, ainſi qu’on me l’avait dit, mais d’une belle phyſionomie, l’air frais encore, taillé en homme vigoureux, membru comme Hercule, tout cela ſans dureté ; une ſorte d’élégance, & de moëlleux régnait dans ſon enſemble, & faiſait voir qu’il avait dû poſſéder dans ſa jeuneſſe, tous les attraits qui forment un bel homme. Il avait les plus beaux yeux du monde, de la nobleſſe dans les traits, & le ton le plus honnête, le plus gracieux, le plus poli. Une ſorte d’accent agréable dont pas un de ſes mots n’était corrompu, faiſait pourtant reconnaître ſa patrie, & je l’avoue, toutes les graces extérieures de ce religieux me remirent un peu de l’effroi que m’avait cauſé l’autre.

Ma chere fille, me dit-il gracieuſement, quoique l’heure ſoit indue, & que nous ne ſoyions pas dans l’uſage de recevoir ſi tard, j’entendrai cependant votre confeſſion, & nous aviſerons après aux moyens de vous faire décemment paſſer la nuit, juſqu’au moment où vous pourrez demain ſaluer la ſainte Image qui vous attire ici ; nous entrons dans l’égliſe ; les portes ſe ferment ; on