Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/188

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allume une lampe près du confeſſionnal. Sévérino me dit de me placer, il s’aſſied & m’engage à me confier à lui en toute aſſurance.

Parfaitement raſſurée avec un homme qui me paraiſſait auſſi doux, après m’être humiliée, je ne lui déguiſe rien. Je lui avoue toutes mes fautes ; je lui fais part de tous mes malheurs ; je lui dévoile juſqu’à la marque honteuſe dont m’a flétrie le barbare Rodin. Sévérino écoute tout avec la plus grande attention, il me fait même répéter quelques détails avec l’air de la pitié & de l’intérêt ; mais quelques mouvemens, quelques paroles le trahirent pourtant : hélas ! ce ne fut qu’après, que j’y réfléchis mieux ; quand je fus plus calme ſur cet événement il me fut impoſſible de ne pas me ſouvenir que le Moine s’était pluſieurs fois permis ſur lui-même pluſieurs geſtes qui prouvaient que la paſſion entrait pour beaucoup dans les demandes qu’il me faiſait, & que ces demandes non-ſeulement s’arrêtaient avec complaiſance ſur les détails obſcènes, mais s’appéſantiſſaient même avec affectation ſur les cinq points ſuivans.

1°. S’il était bien vrai que je fuſſe orpheline & née à Paris. 2°. S’il était ſûr que je n’euſſe plus ni parens, ni amis, ni protection, ni perſonne enfin à qui je puſſe écrire. 3°. Si je n’avais confié qu’à la bergère qui m’avait parlé du Couvent, le deſſein que j’avais d’y venir, & ſi je ne lui avais point donné de rendez-vous au retour.