Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/348

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de vous moleſter… (car je vous battis, Théreſe,) eh bien ! à vingt pas de là, ſongeant à l’état où je vous laiſſais, je retrouvai ſur-le-champ dans ces idées des forces pour de nouveaux outrages, que je ne vous euſſe peut-être jamais faits ſans cela : vous n’aviez perdu qu’une de vos prémices… je m’en allais, je revins ſur mes pas, & je vous fis perdre l’autre… Il eſt donc vrai que dans de certaines ames la volupté peut naître au ſein du crime ! Que dis-je, il eſt donc vrai que le crime ſeul l’éveille & la décide, & qu’il n’eſt pas une ſeule volupté dans le monde qu’il n’enflamme & qu’il n’améliore… — Oh ! Monſieur, quelle horreur ! — N’en pouvais-je pas commettre une plus grande ?… Peu s’en fallut, je vous l’avoue, mais je me doutais bien que vous alliez être réduite aux dernieres extrémités : cette idée me ſatisfit, je vous quittai. Laiſſons cela, Théreſe, & venons à l’objet qui m’a fait déſirer de vous voir.

Cet incroyable goût que j’ai pour l’un & l’autre pucelage d’une petite fille, ne m’a point quitté, Théreſe, pourſuivit Saint-Florent : il en eſt de celui-là comme de tous les autres écarts du libertinage, plus on vieillit, & plus ils prennent de forces ; des anciens délits naiſſent de nouveaux déſirs, & de nouveaux crimes de ces déſirs. Tout cela ne ſerait rien, ma chere, ſi ce qu’on emploie pour réuſſir n’était pas ſoi-même très-coupable. Mais comme le beſoin du mal eſt le pre-