Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/475

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vous fûtes la premiere à lui dérober ſon argent & ſon porte-feuille. Vos camarades voulaient lui ſauver la vie, vous conſeillâtes de la lui ôter ; il réuſſit néanmoins à fuir. Ce même Monſieur de Saint-Florent ajoute, que quelques années après, vous ayant reconnue dans Lyon, il vous avait permis de venir le ſaluer chez lui ſur vos inſtances, ſur votre parole d’une excellente conduite actuelle, & que là, pendant qu’il vous ſermonnait, pendant qu’il vous engageait à perſiſter dans la bonne route, vous aviez porté l’inſolence & le crime juſqu’à choiſir ces inſtans de ſa bienfaiſance pour lui dérober une montre & cent louis qu’il avait laiſſés ſur ſa cheminée… Et Cardoville profitant du dépit & de la colere où me portaient d’auſſi atroces calomnies, ordonna au Greffier d’écrire que j’avouais ces accuſations par mon ſilence & par les impreſſions de ma figure.

Je me précipite à terre ; je fais retentir la voûte de mes cris, je frappe ma tête contre les carreaux à deſſein d’y trouver une mort plus prompte, & ne rencontrant pas d’expreſſions à ma rage : ſcélérat, m’écriai-je, je m’en rapporte au Dieu juſte qui me vengera de tes crimes, il démêlera l’innocence, il te fera repentir de l’indigne abus que tu fais de ton autorité ! Cardoville ſonne ; il dit au geolier de me rentrer, attendu que troublée par mon déſeſpoir & par mes remords je ne ſuis pas en état de ſuivre l’interro-

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