Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/477

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minelle : ſes forfaits ſe conſomment ſans doute, il fait ſa fortune, & je ſuis obligée de mendier mon pain. Je veux m’approcher des ſacremens, je veux implorer avec ferveur l’Être ſuprême dont je reçois néanmoins tant de maux, le tribunal auguſte où j’eſpere de me purifier dans l’un de nos plus ſaints myſteres, devient le théâtre ſanglant de mon ignominie : le monſtre qui m’abuſe & qui me ſouille s’élève aux plus grands honneurs de ſon Ordre, & je retombe dans l’abîme affreux de la miſere. J’eſſaie de ſauver une femme de la fureur de ſon mari, le cruel veut me faire mourir en perdant mon ſang goutte à goutte. Je veux ſoulager un pauvre, il me vole. Je donne des ſecours à un homme évanoui, l’ingrat me fait tourner une roue comme une bête ; il me pend pour ſe délecter ; les faveurs du ſort l’environnent, & je ſuis prête à mourir ſur un échafaud pour avoir travaillé de force chez lui. Une femme indigne veut me ſéduire pour un nouveau forfait, je perds une ſeconde fois le peu de bien que je poſſéde, pour ſauver les tréſors de ſa victime. Un homme ſenſible veut me dédommager de tous mes maux par l’offre de ſa main, il expire dans mes bras, avant que de le pouvoir. Je m’expoſe dans un incendie pour ravir aux flammes un enfant qui ne m’appartient pas ; la mere de cet enfant m’accuſe & m’intente un procès criminel. Je tombe dans les mains de ma

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