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LA MARQUISE DE GANGE

vous le demander. Il me suit au labyrinthe, où j’allais prier pour vous, pour mes ancêtres. Qui l’a envoyé là ? Qui lui a dit que j’y étais ? Quoi ! monsieur, vous pouvez supposer que c’est à l’instant où j’implorais l’Éternel pour vous, où je ne m’attendrissais que pour vous, où je ne m’occupais que de vous, où je me livrais au bonheur de vous voir revenir de vos fâcheuses impressions sur moi ; vous croyez, dis-je, que tel eût été l’instant où je me serais rendue coupable d’un tel comble de perfidie et de fausseté ? Oh ! non, non, mon cher Alphonse, tu ne le crois pas, dit cette femme intéressante, en se jetant en larmes aux pieds de son époux, tu ne crois pas ton Euphrasie coupable, parce qu’il est impossible qu’elle le soit, parce qu’un cœur qui t’appartient, ne saurait brûler pour un autre, parce que je t’adorerai jusqu’à mon dernier soupir, et que celle qui te trahirait ne pourrait plus t’aimer, dès qu’elle ne serait plus digne de toi. Aime-moi, Alphonse, aime-moi, et ne crois jamais Euphrasie capable de profaner l’autel où fut adorée ton image.

Cette femme divine, aux pieds de son époux, les larmes qui ruisselaient le long de ses joues de rose, qu’anime encore plus le feu qui brûle dans ses veines, cette robe sanglante, qui semble la défendre au lieu de l’inculper ; la négligence qu’elle met à s’en vêtir, et qui laisse à découvert un sein d’albâtre, sur lequel flottent en désordre