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LA MARQUISE DE GANGE

ser dans vous. Celui qui étouffe l’organe sacré de sa conscience seulement parce que quelques raisons auront contraint le législateur à pallier ce que cette conscience lui reproche est aussi coupable que celui qui en étouffe la voix seulement parce que ses passions l’y contraignent. On ne compose point avec sa conscience ; descendez au fond de la vôtre, Théodore, et voyez si elle vous conseille l’infamie où vous voulez m’entraîner. Dans quelque situation enfin que puisse être un homme, croyez qu’il cesse d’être vertueux, dès qu’il légitime ses travers, ou par ses sophismes, ou par ses passions.

Et cette intéressante créature, en devenant ainsi l’apologiste de la vertu, semblait parée de tous ses attraits.

Mais, comme elle s’adressait à un homme dissolu, elle l’embrasait au lieu de le calmer.

— Ô créature dangereuse ! s’écria l’abbé, cesse donc d’avoir raison, quand tu veux me persuader, puisque tu ne deviens adorable alors qu’en me rendant mille fois plus malheureux.

Ici, la bonne et tendre marquise prit la main de Théodore avec affection : — Voilà comme je vous aime, mon frère, lui dit-elle : devenez maître de vos passions ; croyez que nous n’avons pas de plus grands ennemis qu’elles, quand nous ne savons pas leur imposer un frein. Comment ne rougissez-vous pas d’aimer la femme de votre