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LA MARQUISE DE GANGE

je crois, plus de pièces qu’il n’en faut pour prouver la complète aliénation de sa tête. Il est bien certain qu’on ne laissera subsister aucun acte fait par une femme qui court les mauvais lieux de la province, qui se laisse enlever dans un bal, qui donne à son amant des rendez-vous mystérieux dans un parc après avoir couru le Languedoc avec lui, et qui, pour couronner l’œuvre, vient se tuer quelque temps après dans son château. Eh ! non, non, plus de ménagements, mon ami ; allons lui présenter la formule de l’acte qui doit anéantir la déclaration publique d’Avignon : si elle le signe, à la bonne heure ; point de pitié si elle refuse de le faire.

Le lendemain, le nouvel acte est présenté à la marquise ; elle refuse de le signer, mais avec toute la douceur imaginable, et en disant qu’elle s’était prêtée à faire ce que le chevalier avait désiré d’elle ; mais qu’il était contre son devoir, contre son honneur d’en faire davantage.

Les deux frères se retirèrent sans dire un seul mot. Ce silence inquiéta la marquise ; elle devint rêveuse, mélancolique. Ces monstres passèrent encore huit jours sans rien faire ; par les manières les plus douces et les plus astucieuses, ils essayèrent au bout de ce temps de la séduire encore… Tout fut inutile.

Madame de Gange avait prouvé toute sa vie qu’elle était bonne épouse, elle devait mainte-