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LA MARQUISE DE GANGE

comme ses lèvres, d’un vert mélangé de noir…

Ô nature ! tu permis donc en ce moment que les plus doux attraits de cette femme céleste fussent impitoyablement ternis par le crime ?

— Puisque votre vengeance est satisfaite, dit la marquise, du son de voix le plus touchant, puisque la mort circule déjà dans mes veines, ne me refusez pas la consolation d’un guide spirituel, dans le sein duquel je puisse rendre à Dieu l’âme que j’ai reçue de lui. Vous me tuez en désespérés, et moi, je veux mourir en chrétienne ; je veux que vous ayez au ciel, pour lui demander grâces de vos fureurs, celle que vous en faites expirer la victime.

À ces mots, les deux scélérats se retirent, et leur cruauté, s’étendant même au-delà du tombeau, comme s’ils eussent voulut ravir à leur sœur les dernières consolations qu’elle implore, c’est l’abbé Perret, c’est cette bête féroce qu’ils vont lui envoyer pour remplir un aussi sacré ministère.

En sortant, les deux frères ferment les portes, et laissent écouler quelques instants entre leur disparition et l’arrivée de Perret. La marquise se presse d’en profiter. Elle passe à la hâte un jupon de taffetas blanc[1], et s’élance par une fenêtre qui n’était qu’à vingt-deux pieds de la cour des écuries : c’est l’instant où Perret paraît. La

  1. Voyez le texte.