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LA MARQUISE DE GANGE

innocentes et pures de ce tendre enfant s’élèvent avec les vôtres vers le temple de l’Éternel pour obtenir que celle que vous entendez pour la dernière fois trouve au moins dans le ciel la consolation de ses maux. Et saisissant le crucifix avec la plus touchante ardeur : Hélas ! poursuivit-elle en le pressant sur son cœur, n’a-t-il donc pas plus souffert que moi, ce Dieu si bon qui s’immola pour nous ? Le malheur est un titre à sa bienveillance ; ce fut par le malheur qu’il fut digne de son glorieux père : ce sera par le malheur que je deviendrai digne de ses ineffables bontés. Oh ! quel calme apporte dans l’âme du chrétien la sainte religion qu’il a respectée ! c’est à ce dernier moment qu’il en sent bien toute la douceur : il semble que ce soit alors que son flambeau offre à ceux qui la révèrent le port heureux où les attend l’Etre divin qui en est le principe.

« Dieu puissant, que ceux qui m’entourent partagent également tes faveurs ! j’ai reçu d’eux les soins les plus touchants et les plus assidus : s’ils étaient les organes de tes bontés lorsqu’ils m’ont soulagée, tu leur dois quelque protection.

« Daigne t’approcher de moi, ma mère : je veux que mes jours s’anéantissent dans le sein qui me les donna ; je veux recevoir encore de toi cette seconde vie qui va s’écouler près de mon Dieu.

« Et toi, mon fils, reçois les derniers adieux