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LA MARQUISE DE GANGE

Quelques sentences paraissaient sur l’écorce des arbres. On lisait sur un sycomore : Voilà par quels détours on parvient au bout de sa carrière. Un mélèze offrait celle-ci : La nature nous conduit facilement au tombeau ; mais il n’appartient qu’à Dieu seul de nous en délivrer un jour. — Oh ! mon ami, dit Euphrasie, que ces sentences sont vraies ! que j’aime l’âme qui les a dictées ! — C’est celle où tu règnes, Euphrasie : comment les plus sublimes idées du créateur ne rempliraient-elles pas l’âme où se peint si bien ton image !

— Mon cher époux, dit la marquise, en se dégageant enfin du labyrinthe, je suis dans une situation difficile à peindre : cette imposante forêt, ces taillis variés qui l’embellissent, la solitude profonde dont on jouit dans cette vaste étendue de bois, l’absence de ces marbres arrondis par l’art, dont la main qui ne travaille plus interrompt la nature toujours en action, cette saison où tout se flétrit, l’astre qui paraît se voiler en cet instant, pour prêter au tableau une teinte encore plus auguste… Tout imprime à l’imagination cette sorte de terreur religieuse qui semble nous avertir que le véritable bonheur n’existe, hélas ! pour l’homme qu’au sein de ce Dieu dont tout ce qu’on admire est l’ouvrage.