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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/72

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LA MARQUISE DE GANGE

per tout cela, et je l’attends encore plus de votre amitié que des nœuds qui, ce me semble, doivent unir tous nos intérêts.

La marquise, qui jusque-là n’avait interrogé l’abbé qu’en baissant les yeux, les leva aussitôt sur lui, et les y tint constamment fixés, pour mieux reconnaître dans sa figure tous les caractères qu’allaient y peindre ses réponses.

Mais l’abbé de Gange était trop instruit, trop adroit, pour ignorer que les muscles du visage de l’homme s’arrangent et se contournent en raison des impressions qu’il éprouve, et que son front et ses yeux sont toujours les fidèles miroirs de son âme. Il fixa donc sa sœur avec la même hardiesse qu’elle employait avec lui, avec cette différence que la candeur et la pureté de l’âme motivaient chez la marquise le courage qui se peignait dans ses regards, au lieu que la fausseté, le crime et la dissimulation régnaient uniquement dans les yeux effrontés de Théodore.

— Madame, répondit l’abbé, pour mettre de l’ordre dans mes réponses, je dois me conformer à celui que vous avez mis dans vos demandes. Les sentiments de votre mari pour mademoiselle de Roquefeuille vous étonnent ; et passant de cette surprise à l’incrédulité, vous fondez aussitôt le refus des faits… Permettez-moi de vous observer, ma chère sœur, que cette fausse logique du cœur nuit infiniment à celle de l’esprit, et que