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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/146

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poursuivit-il, en s’adressant à ses camarades, vous me répondez de l’un et de l’autre ; et vous, Justine, allez dormir auprès de ma sœur ; je vous appellerai quand il en sera tems ; songez sur-tout que la vie de ce faquin, si vous balancez, me vengera de votre fourberie.

Dormez, monsieur, dormez, dit Justine, et croyez que celle que vous avez remplie de reconnaissance, n’a d’autre empressement que de s’acquitter envers vous.

Il s’en fallait pourtant bien que tel fût le projet de Justine ; et voici, sans doute, un de ces cas singuliers, où la vertu même a besoin de s’étayer du vice ; il est donc quelquefois nécessaire, puisque même les meilleures actions ont si souvent besoin de lui : Justine imagina que si jamais la feinte dût lui être permise, ce devait être dans cette occasion ; se trompa-t-elle ? Nous le présumons ; la circonstance était délicate, cela est vrai ; mais le premier devoir de la probité est d’être inviolablement attaché à sa parole ; et jamais une bonne action, payée par un crime, ne saurait devenir une vertu ; on lui assurait la vie d’un homme au prix de sa prostitution ; en ne consentant point, ou en trompant, elle