Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/17

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pagne le crime, les choses étant égales aux intentions de la nature, il vaut infiniment mieux prendre parti parmi les méchans qui prospèrent, que parmi les vertueux qui échouent ?

C’est, nous ne le déguisons plus, pour appuyer ces systêmes, que nous allons donner au public l’histoire de la vertueuse Justine ; il est essentiel que les sots cessent d’encenser cette ridicule idole de la vertu, qui ne les a jusqu’ici payé que d’ingratitude, et que les gens d’esprit, communément livrés par principes aux écarts délicieux du vice et de la débauche, se rassurent en voyant les exemples frappans de bonheur et de prospérité qui les accompagnent presqu’inévitablement dans la route débordée qu’ils choisissent. Il est affreux sans doute d’avoir à peindre, d’une part, les malheurs effrayans dont le ciel accable la femme douce et sensible qui respecte le mieux la vertu ; d’une autre, l’affluence des prospérités sur ceux qui tourmentent ou qui mortifient cette même femme ; mais l’homme-de-lettres, assez philosophe pour dire le vrai, surmonte ces désagrémens, et cruel par nécessité, il arrache impitoyablement d’une main les superstitieuses parures dont la sottise