Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/179

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dans votre ame tout ce que je suis en droit d’en attendre.

Ces discours, souvent répétés, paraissaient si obscurs à Justine, qu’elle ne savait comment y répondre ; elle le faisait pourtant, et peut-être avec trop de facilité ; faut-il l’avouer ? Hélas ! oui ; déguiser les torts de Justine, serait tromper la confiance du lecteur, et mal répondre à l’intérêt que ses revers ont inspiré jusqu’à ce moment.

Quelques eussent été les indignes procédés de Bressac pour elle, dès le premier jour qu’elle l’avait vu, il lui avait été impossible de se défendre d’un mouvement violent de tendresse pour lui ; la reconnaissance augmentait dans son cœur cet involontaire penchant auquel la fréquentation perpétuelle de l’objet chéri prêtait chaque jour de nouvelles forces ; et définitivement, la pauvre Justine adorait ce scélérat malgré elle, avec la même ardeur qu’elle idolâtrait son Dieu, sa religion… la vertu ; elle avait fait mille réflexions sur la cruauté de cet homme, sur son éloignement pour les femmes, sur la dépravation de ses goûts, sur les distances morales qui les séparaient, et rien, rien au monde ne pouvait éteindre, cette passion naissante ; si Bressac