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qu’une chétive créature comme nous puisse, en quoi que ce soit, troubler l’ordre du monde, ou usurper l’office de la nature ; c’est lui supposer un pouvoir qu’il serait impossible que lui transmît cette mère commune. L’homme est isolé dans le monde ; le fer qui le poignarde n’atteint matériellement que lui ; celui qui dirige ce fer ne trouble en rien les loix d’une société, à laquelle la victime n’était liée que moralement. En convenant une minute, si vous le voulez, que l’obligation de faire le bien soit perpétuelle, elle doit nécessairement avoir quelques bornes : le bien qui résultait pour la société de l’existence qu’il m’a plu de troubler, n’équivalait certainement pas aux maux que je ressentais de la prolongation des jours de cet homme ; pourquoi donc allongerai-je ses jours, quand ils sont d’une si médiocre importance pour les autres, et d’un poids si funeste pour moi ? Je vais plus loin ; si le meurtre est un mal, il l’est dans tous les cas, dans toutes les suppositions, alors les souverains, les nations qui exposent la vie des hommes pour leurs passions ou pour leurs intérêts, toutes ces mains, en un mot, qui dirigent sur lui des glaives homicides, sont toutes également cri-