Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/26

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laissé, continua-t-elle, en montrant les douze louis, et pas un coin pour reposer ma pauvre tête ; vous aurez pitié de moi, n’est-ce pas, monsieur ? Vous êtes le ministre de la religion, et la religion est le foyer de toutes les vertus ; au nom de ce Dieu qu’elle enseigne et que j’adore de toutes les forces de mon ame, au nom de l’Etre-Suprême dont vous êtes l’organe, dites-moi, comme un second père, ce qu’il faut que je fasse, ce qu’il faut que je devienne ? Le charitable prêtre répondit, en lorgnant Justine, que la paroisse était bien chargée, qu’il était difficile qu’elle put embrasser de nouvelles aumônes, mais que si Justine voulait le servir, que si elle voulait faire le gros ouvrage, il y aurait toujours dans sa cuisine un morceau de pain pour elle ; et comme en disant cela, le faiseur de dieux lui avait tant soit peu pressé le jupon sur les fesses, comme pour se donner une légère idée de leur coupe, Justine qui devina l’intention, le repoussa, en lui disant : « Monsieur, je ne vous demande ni l’aumône, ni une place de servante, il y a trop peu de tems que je quitte un état au-dessus de celui qui peut faire desirer ces deux graces, pour être réduite à les implorer ; je sollicite les conseils