Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/28

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heureuse histoire, nous ne citerons que celui qu’elle éprouva chez Dubourg, un des plus durs, comme l’un des plus riches traitans de la capitale. La femme chez qui Justine logeait, l’avait adressée chez lui comme chez quelqu’un dont le crédit et les richesses pouvaient le plus sûrement adoucir la rigueur de son sort ; après avoir attendu très-long-tems dans l’anti-chambre, on introduisit à la fin Justine. M. Dubourg, gros, court et insolent comme tous les financiers, sortait de son lit, entortillé d’une robe de chambre flottante qui cachait à peine son désordre ; on s’apprêtait à le coîffer, il fit retirer son monde, et s’adressant à la jeune fille, que me demandez-vous, mon enfant, lui dit-il ? Monsieur, lui répondit notre petite niaise, toute confuse, je suis une pauvre orpheline à peine âgée de quatorze ans, et qui connais déjà toutes les nuances de l’infortune ; j’implore votre commisération, ayez pitié de moi, je vous conjure, et Justine, les larmes aux yeux, détaille avec intérêt au vieux scélérat les maux qu’elle endure, les difficultés qu’elle a de trouver une place… jusqu’à la répugnance qu’elle éprouve même à en prendre une, n’étant pas née pour cet état. Elle peint, en re-