Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/29

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doublant ses pleurs, l’effroi qu’elle a de l’avenir, termine en balbutiant, par l’espoir où elle est, qu’un homme aussi riche et aussi estimable que M. Dubourg, lui procurera sans doute les moyens d’exister, et tout cela avec cette éloquence du malheur, toujours rapide dans une ame sensible, toujours à charge à l’opulence.

Dubourg était à peindre pendant ce récit ; commençant à s’échauffer pour cette jeune personne, il se branlotait d’une main sous sa robe de chambre, braquant de l’autre une lorgnette sur les attraits offerts à ses regards : en l’observant avec attention, on distinguait les gradations de la lubricité contourner graduellement les muscles de sa vieille figure, en raison du plus ou du moins de pathétique que mettait Justine à se plaindre.

Ce Dubourg était un libertin très-endurci, grand amateur de petites filles, et soudoyant de tous côtés des femmes en état de lui procurer de semblable gibier ; peu en état d’en jouir, Dubourg s’en tenait ordinairement avec elles à une fantaisie aussi brutale que singulière ; son unique passion consistait à voir pleurer les enfans qu’on lui procurait, et pour les amener là, il en faut convenir, personne