Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/312

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dénuée de ressources, et que d’après l’injustice ordinaire aux hommes il ne devait pas supposer si sauvage ; Rodin, dis-je, regarda Justine avec attention. Mon cœur, lui dit-il au bout d’un instant, c’est assez mal-à-propos que tu fais la vestale avec moi ; j’avais, ce me semble, quelque droit à des complaisances de ta part ; n’importe, ne me quittes pas pour cette bagatelle, je suis bien-aise d’avoir une fille sage dans ma maison ; celles qui m’entourent, le sont si peu ! Puisque tu affiches tant de vertu dans ce cas-ci, tu en montreras, j’espère, dans tous, mes intérêts y gagneront, ma fille t’aime, elle me supplie de t’engager à ne nous jamais quitter ; restes donc près de nous, je t’y invite ; monsieur, répondit Justine, je n’y serai pas heureuse, on ne m’y verra pas sans jalousie, et je serai bientôt contrainte à vous quitter ; ne l’appréhendes pas, dit Rodin ; ne crains nul effet de la jalousie de ma sœur ou de ma gouvernante ; celle-ci te sera toujours subordonnée, et je sais que ma sœur t’aime ; sois donc sûre que ma protection et ma confiance te seront toujours accordées ; mais pour continuer d’en être digne, il est bon que tu saches qu’une discrétion à toute épreuve est la première qualité