Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/315

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est ma façon de penser. La mâzure qui me sert d’abri à la chasse, quand les rayons trop ardens du soleil dardent à-plomb sur mon individu, n’est assurément pas un monument utile ; sa nécessité n’est bien sûrement que de circonstance. Je m’expose à une sorte de danger, je trouve quelque chose qui m’en garantit, je m’en sers ; mais ce quelque chose est-il moins inutile, en doit-il être moins méprisable ? Dans une société totalement vicieuse, la vertu ne servirait à rien ; nos associations n’étant pas de ce genre, il faut absolument ou jouer la vertu ou s’en servir, afin d’être moins redouté de ceux qui la suivent : que personne ne l’adopte, elle deviendra inutile ; je n’ai donc pas tort, quand je soutiens que sa nécessité n’est que d’opinion ou de circonstance. La vertu, ne nous y trompons pas, n’est pas d’un prix incontestable ; elle n’est qu’une manière de se conduire, qui varie suivant chaque climat, et qui, par conséquent, n’a rien de plus réel que les modes usitées dans telle province, et inadoptées dans d’autres. Il n’y a que ce qui est utile à tous les âges, à tous les peuples, à tous les pays, qui soit réellement bon ; ce qui n’a pas une utilité démontrée, et ce qui change perpé-