Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/329

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ici tant d’étalage puisse jamais être bonne à quelque chose ? Quel gré crois-tu que te sauront les hommes de te conserver pure avec eux ? Cette fierté, qui étonne un moment, en blessant celle des autres, finit bientôt par n’obtenir d’eux que des mépris, et tu auras passé l’âge de plaire, sans tirer le moindre parti des dons précieux que t’a prodigué la nature ; tu l’outrage, en négligeant ces dons : et quel mal crois-tu donc faire, en prêtant ton corps à celui qui le desire ? ce mouvement, dans lui, n’est-il pas celui de la nature ? tu l’offense en n’y cédant pas ; tu t’opposes au véritable but de cette mère sage, qui, destinant aux plaisirs des hommes les attraits qu’elle plaça dans toi, doit te punir tôt ou tard de l’opposition que ta vertu met à ses desseins. Cette chasteté ridicule à laquelle tu attaches un si grand mérite, n’est donc plus, comme tu le vois, qu’une criminelle résistance aux intentions qu’elle a sur toi. Ah ! crois-moi, mon ange, les hommes ne nous estiment qu’en raison des plaisirs qu’ils reçoivent de nous ; si nous les refusons, ils nous délaissent ; et, repliées sur nous-mêmes alors, il ne nous reste plus pour jouissance que le petit orgueil d’avoir résisté. De