Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/330

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tels triomphes valent-ils ceux que je t’offre… Oh ! mon enfant, est-il rien de plus doux que les voluptés sensuelles ? est-il rien qui délecte aussi puissamment tout notre être… qui donne des jouissances aussi vives… aussi prolongées… Ah ! oui, oui, mon ange, n’en doute pas ; un instant au sein de l’amour vaut mieux que mille ans de vertu. Cède, Justine, cède, ta vanité en sera satisfaite également ; Rodin te préfere à tout ce qui est ici : cette douce victoire de l’amour-propre ne vaut-elle pas tous les sacrifices faits à la vertu ? et, couronnée par la main des grâces, ne seras-tu pas plus heureuse en cédant aux plaisirs, qu’en résistant à la nature ? quelle est imbécille, celle qui croit s’élever au-dessus des autres par la sotte pratique des bonnes mœurs ! que lui arrive-t-il après des siècles de privation ? tout le monde oublie les vertus par lesquelles elle croyait s’immortaliser, et les hommes, partagés en deux classes sur ce qui la concerne, offrent une moitié d’individus qui la méprise près d’une seconde partie qui se refuse à l’admission de sa sagesse ; mais pas un être en sa faveur, pas un qui lui sache gré de ce qu’elle n’a fait que pour elle seule… Me parleras-tu du contentement de soi-même ?