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dit Justine en larmes, voyez M. Dubourg ; je retournerai chez lui, puisque vous me répondez qu’il me respectera. Oui, j’y retournerai, mon malheur m’en impose la loi ; mais en fléchissant sous les coups du destin, souvenez-vous, madame, qu’il me restera du moins le droit de vous mépriser à jamais.

Impertinente créature, dit la Desroches, en lui fermant la porte sur le dos, tu mériterais que je ne me mélasse plus de ce qui te regarde ; mais ce n’est pas pour toi que je le fais ; ainsi, tes sentimens me sont égaux. Adieu.

Il est inutile de peindre la nuit désolante que passa Justine ; vivement attachée à des principes de religion, de pudeur et de vertu qu’elle avait, pour ainsi dire, sucés avec le lait, elle n’entrevoyait pas l’instant d’y renoncer, sans la plus déchirante affliction ; occupée des plus tristes pensées, repassant mille fois sans succès dans sa tête tous les moyens de se tirer d’embarras sans crime, le dernier parti qu’elle allait prendre, était de se sauver furtivement de chez madame Desroches, lorsque celle-ci vint frapper à sa porte. Descends, Justine, lui dit-elle brusquement, viens déjeuner avec une de mes amies, et rends-moi graces