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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/43

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quelle extravagance, reprit madame Delmonse ! bien loin de vous refuser à cette démarche, Justine, vous devez, au contraire, une reconnaissance infinie à celle qui vous y invite. Quelle fausse idée, chère fille, avez-vous donc de la sagesse ! et comment pouvez-vous croire qu’une jeune personne y manque en se livrant à ceux qui veulent d’elle ? La continence dans une femme est une vertu impraticable, mon enfant, ne vous flattez jamais de l’atteindre. Lorsque les passions s’allumeront dans votre ame, vous verrez que cette manière d’être nous est impossible ; toujours en but à la séduction, comment veut-on qu’une femme puisse résister aux attraits du plaisir, perpétuellement offerts à ses sens ? et comment lui faire un crime de succomber, quand tout ce qui l’environne sème des fleurs sur l’abîme, et l’invite à s’y précipiter ? Ne vous y trompez pas, Justine, ce n’est pas la vertu, que l’on exige de nous, ce n’est que son masque, et pourvu que nous sachions feindre, on ne nous demande rien de plus ; celle d’entre nous qui serait sage, avec le renom d’une coquine, serait infiniment moins heureuse que celle qui se livrerait à tous les excès de la débauche, en conservant la réputation d’une honnête